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Projet de loi de finances pour 2025, un premier éclairage

29 Octobre 2024
Règlementation
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Rédigé le 25 octobre 2024 par Guillaume Jouvin. Responsable de l’ingénierie patrimoniale – BRED Banque Privée.

Au cours du mois de septembre 2024, la Cour des Comptes a jugé la situation des finances publiques françaises « vraiment inquiétante ». La France doit impérativement réduire son déficit public et sa dette.

L’ambition : ramener le déficit public à 5% du PIB en 2025 (nous sommes bien loin des critères de Maastricht établissant un déficit public maximum de 3% du PIB) en répartissant l’effort entre une hausse des recettes fiscales de 19,3 milliards d’euros et une baisse des dépenses de 40,8 milliards d’euros, le tout représentant un effort total de 60 milliards d’euros.

Depuis le 21 octobre 2024, les députés examinent la partie « recettes » du projet de loi de finances en séance publique. Le projet de loi avait été présenté au Conseil des ministres le 10 octobre dernier.

Au 24 octobre, plus de 3.500 amendements ont été déposés.

L’objectif de cet article est de vous présenter les principales mesures susceptibles d’intéresser la fiscalité des particuliers et présentant des chances d’être adoptées.

Tout d’abord, notons que pour le moment, le principe de la « flat tax » de 30% sur les revenus financiers serait maintenu (répartie entre 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux), mais qu’un rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune ou une augmentation des droits de succession ne sont pas envisagés.

1. Instauration d'une contribution différentielle sur les hauts revenus

Pour les contribuables soumis à la CEHR (donc disposant de plus de 250 K€ de revenus pour un célibataire / 500 K€ pour un couple marié), le Gouvernement envisage de créer une « contribution différentielle sur les hauts revenus » (CDHR) visant à instaurer une imposition minimale de 20% sur les hauts revenus.

❗ Attention : cette imposition de 20% ne comprend pas les prélèvements sociaux.

Prenons un exemple simple, celui d’un contribuable disposant de 1.000 K€ de dividendes récurrents.

Son imposition s’établit de la manière suivante : 128 K€ d’impôt sur le revenu (12,8% de PFU) + 172 K€ de CSG/CRDS (17,2%) + 27,5 K€ (CEHR de 3% / 4%) = 327,5 K€ d’impôt (soit 32,75%).

En instaurant cette nouvelle contribution, le total des impôts (hors prélèvements sociaux) doit être égal à 200 K€ (20%). Or, il est à ce jour de 155,5 K€. Le montant de la nouvelle contribution (CDHR) sera alors égal à 44,5 K€.

Au total, notre contribuable devra acquitter une imposition totale de 372 K€ (CSG/CRDS inclus), soit un taux d’imposition effectif de 37,2%.

Le texte de base prévoyait de neutraliser certaines réductions d’impôt en les excluant du calcul mais un amendement (adopté par l’Assemblée Nationale) durcit les conditions d’application de cette nouvelle contribution.

2. Loueur en Meublé Non Professionnel (LMNP) : réintégration des amortissements admis en déduction dans l’assiette de la plus-value imposable réalisée lors de la cession de biens loués en LMNP

Une mauvaise nouvelle peut parfois en cacher une bonne : en cours d’activité, les amortissements sont toujours déductibles du résultat imposable. Il serait donc toujours possible de percevoir des loyers en franchise d’impôt (sous réserve que l’amortissement soit supérieur aux revenus nets de charges).

En revanche, il est proposé de réintégrer les amortissements déduits pour le calcul de la plus-value immobilière.

Cette réintégration se ferait avant application de l’abattement pour durée de détention. Autrement dit, l’abattement (conduisant à une exonération au-delà de 30 années de détention) s’appliquerait sur l’amortissement repris.

3. Exonération de la plus-value de cession de la résidence principale: une exonération plus encadrée

Un délai de 5 ans serait nécessaire pour bénéficier de cette exonération, sauf en cas de réinvestissement du prix de vente dans l’acquisition d’une nouvelle résidence principale ou lorsque la cession intervient pour un motif impérieux familial, médical ou professionnel.

Il s’agit donc plus de l’instauration d’une règle « anti-abus » que de la restriction de cette exonération qui,fort heureusement, demeure non plafonnée.

4. Retour en arrière et durcissement de l'Exit-tax

L’exit-tax consiste à imposer la plus-value latente qui résulterait de la vente de titres de société lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France. Cette imposition peut être mise en sursis et être totalement exonérée si les titres sont conservés durant 2 ou 5 ans.

Le projet de Loi prévoit de revenir sur la version de l’exit-tax antérieure au 1er janvier 2019, ce qui aurait notamment pour conséquence :

  • d’allonger la durée de conservation des titres à 15 ans afin d’obtenir le dégrèvement / l’exonération ;

  • de mettre fin au sursis de paiement automatique pour les personnes transférant leur résidence fiscale pour des raisons non professionnelles dans un Etat lié par une convention fiscale comportant une clause d’assistance au recouvrement suffisamment protectrice (ex : Etats-Unis, Maroc, Algérie, Polynésie…).

5. Restriction de l’éligibilité du pacte Dutreil

Ce dispositif vise à faciliter les transmissions familiales d’entreprise en accordant une exonération de 75% sur la valeur des titres transmis.

Un amendement prévoit de restreindre l’exonération à la seule fraction de la valeur des titres correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société, alors qu’à ce jour, cette exonération s’applique sur l’intégralité de la valeur des titres d’une société dont l’activité principale est opérationnelle.

Une autre mesure vise à réintégrer l’avantage fiscal(l’abattement de 75% venant en diminution du prix de revient des titres) pour le calcul de la plus-value si la cession des titres intervient dans un certain délai suivant la donation.

6. Apport à société holding : fin du réinvestissement « immobilier »

Le dispositif du 150-0 B ter du Code général des impôts instaure un dispositif de report d’imposition en cas d’apport de titres à une société (généralement une holding) contrôlée. Ce report est exigible lorsque les titres apportés sont cédés dans les trois années qui ont suivi l’apport, sauf si un minimum de 60% du produit de cession est réinvesti dans une activité économique (à l’exclusion de toute activité de gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier).

Afin de favoriser le réinvestissement dans l’économie réelle, il est proposé d’exclure toute activité immobilière ou de prestation hôtelière. Sont ainsi notamment visés les réinvestissements dans des activités de marchand de biens, promotion, hôtellerie ou para-hôtellerie, sauf si l’entreprise cédée exerçait cette activité.

Pour conclure :

Il n’est pas inutile de rappeler les enseignements de la Courbe de Laffer : lorsque les taux d’imposition dépassent un certain niveau, les recettes fiscales commencent à baisser car le contribuable est incité à mettre en place des stratégies de contournement.

Même s’il est difficile de définir ce seuil, il est fort à parier que nous n’en sommes plus très loin.