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Le marché immobilier français en berne : un climat morose et une situation qui s’aggrave sur tous les plans

03 Juillet 2024

Les tendances du marché immobilier : bilan 1er semestre 2024

Chronique immobilière rédigée par Antoine Vinsonneau, ingénieur immobilier BRED Banque Privée

Dès la fin de l’année 2023, plusieurs opinions envisageaient le scénario suivant : la France verra son activité immobilière rebondir en 2024 et s’extirpera de la crise qu’elle traverse. Néanmoins, force est de constater que la réalité est tout autre. Les prévisions se sont-elles laissé emporter par l’euphorie ? 

C’est l’ensemble du territoire qui se retrouve actuellement confronté à la baisse généralisée des prix. L’élément déclencheur principal de cette situation ? Une demande apathique provoquée par de forts taux d’intérêts. Selon les données des portails SeLoger et Meilleurs Agents, les prix de l’immobilier ancien accusent une baisse moyenne de 0,9% depuis le début de l’année 2024 dans les 50 villes françaises qui comptent le plus d’habitants. Les valeurs reculent en moyenne de 0,3% pour les maisons et de 0,8% pour les appartements. Ce lent déclin des prix de l'immobilier devrait se poursuivre, avec une estimation moyenne à -4%. À titre indicatif, le prix de l’immobilier en France atteint 3 074€/m² en mai 2024(1).

(1) Source : Notaires de France

Les taux de crédits immobiliers aux particuliers ensemble des marchés

Source : L'observatoire Crédit Logement / CSA

La faible ampleur de ce cycle baissier demeure un phénomène insuffisant pour espérer relancer les volumes de transactions. Nexity anticipe une diminution du volume avec une estimation de 800 000 ventes d'ici septembre 2024(2). A qui la faute ? La diminution des prix de l’immobilier ne permet toujours pas de compenser les taux d’intérêts encore forts qui pèsent sur les conditions d’octroi de crédits aux ménages. En effet, le taux moyen (toutes durées de prêt confondues) s’établit aujourd’hui à 3,99% contre 4,17% en janvier, soit un repli de 18 points de base. Même si ce taux moyen est en baisse pour la première fois depuis deux ans, il reste à l’heure actuelle trop élevé pour espérer inverser la tendance de fond du marché. La voie à suivre ? Celle de la patience. En effet, ce mouvement de baisse devrait se poursuivre dans les prochains mois et les taux devraient suivre une baisse de 1 point à l’échelle annuelle, une perspective de bon augure pour le marché.

(2) Source : Nexity

Une dégradation de l'activité toujours plus prononcée pour l'Ile-de-France

Une chute des prix toujours plus abrupte ? C’est la tendance à l’œuvre en Ile-de-France depuis ce début d’année 2024. Selon les Notaires du Grand Paris, les prix des logements ont diminué de 8,7% en Ile-de-France entre février 2023 et février 2024. Une tendance qui poursuit sa lancée actuellement puisqu’entre novembre 2023 et février 2024, les prix ont reculé de 3,6% pour les appartements (Notaires du Grand Paris)(3). Jusqu’à quel niveau les prix continueront de plonger ? Quand pourrions-nous entrevoir une trêve dans ce cycle baissier ? D’après les avant-contrats, la baisse des prix pourrait se modérer progressivement d’ici juin, tout en restant malgré tout élevée. Pour juin 2024, Les Notaires du Grand Paris projettent un prix au m² de 6 060€ pour les logements anciens en Ile-de-France.

La dégradation du niveau d’activité ne fait que s’amplifier. Un chiffre vaut mieux que mille mots : 27 210 logements anciens ont été vendus en Ile-de-France de décembre 2023 à février 2024, en recul de 28% par rapport à l’activité enregistrée un an plutôt pourtant déjà orientée à la baisse. Là encore, cette morosité du marché immobilier tient en partie aux taux d’intérêt trop élevés qui pénalisent les ménages dans le projet d’une vie : l’achat d’un bien.

(3) Carte des prix de l'immobilier du Grand Paris.

Prix au m2 en février 2024 et projections de prix en juin 2024 pour les appartements anciens à Paris et en Petite Couronne

Source : Notaires du Grand Paris

Le marché parisien ne fait pas exception

La correction du marché parisien se prolonge au premier semestre 2024, dans un contexte de réduction des volumes de ventes et de baisse du prix moyen au mètre carré sur toutes les typologies d’actifs. Le marché des appartements anciens a notamment connu un recul de 7,3% sur la dernière année pour atteindre 9 580 €/m². La grande majorité des arrondissements de la capitale accusent des baisses, comme dans le IXème où les prix ont baissé de 10,6% en un an. Le VIIIème arrondissement, quant à lui, fait office d’exception, en actant une hausse de 4,5% sur le dernier trimestre. La tendance générale à la baisse des prix ne parvient pourtant pas à faire repartir à la hausse le volume des transactions. Avec une baisse de 22 % sur la dernière année, le marché parisien semble ne pas avoir fini sa correction qui devrait se prolonger tant que le hausse des taux ne s’aplanira pas et que les prix ne se stabiliseront pas. Toutes ces évolutions rendent, encore, incertaines la réalisation d’une plus-value à moyen terme pour de potentiels investisseurs. 

L'immobilier de luxe, un marché à deux vitesses

Le marché de l’immobilier de luxe pâti lui aussi du contexte actuel. La négociation des prix est forte, avec une clientèle aisée qui est elle aussi touchée par des difficultés d’accès au crédit. La situation inflationniste, conjuguée au ralentissement économique, pousse certains propriétaires à mettre leur bien à la vente encourageant, alors, la baisse des prix. Ainsi, quelques opportunistes ont pu accéder à des biens avec des décotes sans précédent, pouvant aller jusqu’à 30%(4).  Le segment « ultra-luxe » démontre sa particularité en restant inflexible au contexte actuel. Les acheteurs internationaux sont à la recherche de biens de prestige faisant à la fois office de « valeur refuge » et de « valeur de jouissance ». Fort de nombreux biens d’exception, le marché parisien de l’ultra luxe continue donc à battre des records, comme l’atteste la mise en vente d’un appartement de 200 mètres carrés dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés à 80 000€ le mètre carré en mai 2024(5).

(4) Source : Forbes
(5) Source : Le Figaro

Evolution du prix en euro d’un m2 échangé sur le marché de l’immobilier résidentiel à Paris

Source : Compass Kalstone Paris Residential Property Index

Une tension locative qui ne fait que s'accroître

Des délais d'attentes toujours plus longs, des loyers en hausse constante et un nombre de candidats par offre qui atteint des records, telle est la description du paysage du marché locatif français à l'aube 2024. En effet, selon les derniers chiffres communiqués par LOCService.fr, il faut en moyenne six mois pour trouver, louer et emménager dans un studio meublé à Paris, tandis que le nombre de logement disponibles à chuté de 30% à Paris en 2023 et le niveau global du nombre de candidats est passé de 2,71 demandes par offre à 3,35 en 2023. Un double phénomène est à l'origine de cette tension probante. Premièrement, un phénomène de forts taux d'intérêts qui rend difficile l'accession à la propriété des locataires. En effet, les conditions plus strictes imposées aux emprunteurs constituent un obstacle de taille pour les locataires souhaitant devenir propriétaires. Dès lors, il en résulte logiquement un prolongement de leur statut de locataire, ce qui contribue directement à renforcer la tension du marché. Le second phénomène, et non des moindres, touche-lui les bailleurs, soumis à un nombre croissant de défis. En effet, entre des exigences toujours plus élevées en matière d'encadrement des loyers, de permis de louer, de conformité aux normes de la Loi Climat, des obligations de rénovation énergétique, et l'augmentation significative des taxes foncières, c'est l'ensemble des propriétaires qui se retrouvent sous pressions des mesures gouvernementales et ces derniers n'hésitent pas à vendre leurs biens sans attendre les dates fatidiques de 2025 et 2028.

Période historiquement difficile pour l'immobilier neuf en France

D’avril 2023 à mars 2024, le nombre de permis de construire autorisés a reculé de 19,8% par rapport à la dernière période, pour s’établir à 358 600. Les mises en chantier accusent aussi le coup avec une baisse de 23,3%, soit 86 200 unités de moins que sur les douze derniers mois précédents(6). Il s’agit des plus faibles totaux depuis 2000. Conjointement, les réservations de logements neufs poursuivent leur baisse. Du côté des promoteurs, les réservations ont diminué de 22,4% sur un an. Face à cette situation austère, les grands acteurs de la promotion immobilière, comme Nexity et Bouygues Immobilier, sont contraints de s’engager dans des plans de licenciement. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) prévoit ainsi 90 000 suppressions d’emplois d’ici fin 2024. Afin de stimuler la demande de logements neufs, certains promoteurs formulent des propositions exceptionnelles. Altéra vient de lancer une offre pour les primo-accédants, leur promettant des taux d’emprunt entre 1,5% et 2%(7), sans apport initial, et la prise en charge des frais de notaires. BNP Real Estate propose des remises de prix de 14% sur le programme neuf « Green Line » à Bagneux. Reste à savoir si ces résolutions parviendront à relancer un marché du neuf meurtri par des taux d’intérêt encore trop élevés, des coûts de construction en hausse en raison du prix des matériaux et des normes environnementales de plus en plus contraignantes.

(6) Source : La Tribune
(7) Source : BFM TV

L'investissement immobilier présente un risque de perte en capital.